lundi 29 août 2011

Après Emily, Charlotte


Continuons dans notre lancée victorienne.

Jane Eyre, publié en 1847, est l'un des romans anglais les plus populaires et étudiés de nos jours. Jane, orpheline, passe une enfance malheureuse. Elevée chez une tante qui la traite comme une inférieure et martyrisée par ses cousins, elle finit par se rebeller. Elle est envoyée dans une pension pour jeunes filles pauvres, Lowood, où l'éducation est stricte et les conditions sanitaires déplorables. Cependant, après qu'une épidémie décime la moitié du pensionnat, les conditions de vie s'améliorent sensiblement. Jane devient un modèle victorien de jeune fille, modeste et appliquée, lissant son caractère rebelle et impétueux. Elle passe 8 ans à Lowood et finit par y tenir le rôle de professeur. Elle a 18 ans quand elle décide de se frotter au monde et d'accepter un poste d'institutrice auprès d'Adèle, la pupille d'un certain Rochester. Sa vie se déroule paisiblement jusqu'à ce que le maître des lieux fasse irruption à Thornfield. L'attirance de Jane pour Rochester, un homme sauvage et solaire, se développe peu à peu malgré leur différence d'âge (il a 20 ans de plus qu'elle) et de conditions sociales (il est riche, elle est pauvre). Cependant, une menace plane sur Thornfield, tout d'abord en la présence de Blanche Ingram, belle et de bonne famille, que Rochester semble vouloir épouser; mais surtout, le château abrite un secret. On entend parfois un rire terrifiant, venant d'appartements fermés à clef et Grace Poole, la servante qui y loge, est pour le moins étrange. Jane Eyre est une nuit réveillée par ce rire maléfique et trouve la chambre de son maître incendiée. Malgré cela, Grace Poole n'est pas inquiétée...

Si ce mélodrame est bien construit et se lit agréablement, je ne comprends pas trop pourquoi ce roman a eu tant de succès. Le style est inégal (la fin est bien mieux écrite que le début) et les personnages finissent par « rentrer dans le moule ». D'après les analyses que j'en ai lues, une clef de ce roman est le fait que Charlotte confronte des valeurs sincères (amour profond; vrai sentiment religieux) et des « masques » (amour de convenance, mariage de raison, appariement convenables entre des jeunes gens de même classes sociales...; lois religieuses). Si certains tabous (la bigamie, les relations parents-enfants, les conditions de vie dans les pensionnats, les barrières de classes) sont abordés, on est loin du tumulte enragé et des sentiments destructeurs des Hauts des Hurlevents. C'est un peu comme comparer une meute de chihuahua avec la chevauchée de Walpurgis. Attention, ça ne signifie pas dire que je ne l'ai pas lu d'une traite pour autant. Surtout, il donne une vision assez effarante de la position féminine de l'époque. Ainsi la description d'Adèle adulte, devenue une compagne idéale : "obligeante, docile, de bon caractère et sérieuse" résume bien les qualités qu'on attend d'une femme!

Charlotte s'inspire de sa propre existence. Le physique de l'héroïne en témoigne : petite (le cercueil de Charlotte Brontë mesurait 1m45), ses traits fades et irréguliers. Ensuite, il y a Rochester, un hybride entre Branwell, le frère débauché (ce qui rappelle les écarts de conduite de Rochester pendant sa jeunesse) et Constantin Heger, le pédagogue bruxellois et marié, dont Charlotte tombe désespérément amoureuse. On retrouve les thèmes de la déception sentimentale, de la séparation, de la différence d'âge et de statut, de l'homme inatteignable. Tout donne l'impression que Jane Eyre est une façon de vivre par procuration cet amour impossible.
Ci dessus un portrait de Charlotte, d'après description (sur Wiki)
A noter pour les adaptations cinématographique une version en 1996 avec Charlotte Gainsbourg dans le rôle de Jane Eyre (choix judicieux) et Anna Paquin (ouioui, la jolie blonde de True blood) qui incarne l'héroïne jeune; et une version vaudou librement inspirée en 1943 (I walked with a zombie).

Surtout après tout çà, je conseille « L'affaire Jane Eyre », le roman loufoque de Jasper Fforde!

2 commentaires:

  1. A lire aussi! En lisant « L'affaire Jane Eyre » j'y avais pensé puis ça m'était sorti de la tête, je rajoute à la lononongue liste :-)

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