jeudi 17 mars 2011

Ma vie après votre mort... deuxième nouvelle!


Voici la 2ème nouvelle du recueil "ma vie après votre mort". Attention, elle est plus crue (...lle):

Il y a encore peu, j'ai découvert un lieu où la pègre établit ses règles, un endroit à cent lieues des clubs de strip-tease et autres casinos : un funérarium où le trafic va bon train.
Ce jour là, j'étais venu travailler en qualité de porteur de cercueil. J'étais alors loin d'imaginer que j'allais lever le voile sur un mystère qui aurait éveillé la curiosité inhérente à tout homme féru de polars, et ce sans même le vouloir.
Le matin était froid, et le vent perçant. Il s'infiltrait entre les fibres de mon costume, tel un millier de piranhas se jetant sur un veau tombé à l'eau, me mordant de ses petites dents gelées, sans que je ne puisse rien y faire. Des murs en brique rouge donnaient à ce funérarium une allure d'entrepôt, ou d'antique caserne de pompiers.
En m'approchant de l'entrée, j'aperçus un légiste en blouse, qui m'observait. Déchiré par le froid, je me dirigeai vers lui, alors qu'il finissait sa cigarette. Il m'invita à entrer, me faisant passer devant les salons de présentation. Il m'ouvrit la porte réservée au personnel, me présentant là le cliché type d'un film de maffieux : quatre gaillards en train de taper le carton autour d'une table d'autopsie.
Tous me jetèrent un regard plus glacial que le vent extérieur. Mon hôte les calma aussitôt, me présentant comme un gars du métier ; ce qu'il avait, selon lui, instantanément lu sur mon visage. Flatté, je me présentai rapidement.
Mon hôte légiste m'informa que j'avais bien une heure et demi d'avance. Ce à quoi je rétorquai que je devais faire face à des problèmes de déménagement en cours, et que, mon ancien propriétaire étant un vil connard, j'étais obligé de venir d'un peu plus loin que d'habitude. Que j'avais mal calculé mon coup pour être à l'heure, et que je lui réservais un chien de ma chienne.
Le légiste m'écouta attentivement, puis me dit, très tranquillement : « Si tu as un souci quelconque avec quelqu'un, nous formons une sorte de petit syndicat, ici... On aime se rendre service, de la main à la main. Pour pas grand chose, nous pouvons t'enlever une grosse épine du pied - même si ladite épine ressemble à s'y méprendre à ton ancien proprio. Pour mille euros, quelqu'un peut disparaître sans trace, sans que l'on ne retrouve jamais le corps... On a aussi un crématorium ici, tu sais... ? »
Je ne savais plus trop quoi dire et je n'en menais pas large. Mon légiste si sympathique venait de me proposer de réduire en cendres mon ancien proprio pour la modique somme de mille euros. Tout ça en se servant sereinement une tasse de café, et sans que ses collègues ne répliquent quoi que se soit. Je me dois d'avouer que l'idée d'incinérer ce crevard me séduisit. L'idée de meurtre, le film de mon crime, tout se mit en branle dans ma tête...
J'inviterais mon ancien proprio pour l'état des lieux, ou une autre peccadille du même ordre. Je l'installerais confortablement, lui offrant un café. Je prétexterais un besoin pressant et filerais dans la salle de bains, où je me saisirais d'une seringue, que je remplirais du premier produit d'entretien à portée de main. Je tirerais la chasse, m'emparerais d'une ceinture assez longue. En ressortant, je passerais derrière lui, injectant directement dans les veines de son cou de l'eau de javel, ou du shampooing. Je passerais la ceinture autour de lui, et serrerais jusqu'à ce qu'il arrête de se débattre. Puis je l'emmènerais dans sa voiture, le portant sur l'épaule. Prétextant au badaud lambda qu'il a trop bu, ce bon vieux tonton, je le conduirais directement au funérarium de mes nouveaux amis, et je leur laisserais la voiture en guise de paiement avec, en prime, 500 euros supplémentaires pour le dérangement...
Tandis que j'imaginais de multiples scénarios, et réglais certains détails de mon forfait, mon légiste me demanda si je voudrais garder un morceau en souvenir de ma victime.
Je sursautai :
« - Est ce possible?
- Bien sûr ! Beaucoup de nos « habitués » ont besoin de garder une relique de leurs victimes, une preuve... Par exemple, le cœur ou une main. Bien souvent, c'est un muscle... car quelques uns préfèrent déguster un morceau choisi de leur victime, le reste étant réduit en cendres. La viande est un peu chère, mais c'est assez vite rentabilisé.
- Rentabilisé ? Dois-je comprendre que vous complétez les horaires diurnes des boucheries du quartier ? Que s'il me faut un filet mignon, je peux passer par vous ?
- Précisément ! Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe sur l'Ile de France un microcosme de cercles cannibales... »
Je restais abasourdi. L'idée de faire payer mon ancien proprio était séduisante, mais de là à aller le manger... Cette pensée m'ôta soudain toute envie meurtrière. Ce gros tas de saindoux serait probablement impropre à la consommation.
Le légiste m’enjoignit de le suivre, et me fis découvrir la salle des tiroirs, où était entreposée la matière première de son macabre commerce. Il me donna quelques conseils sur la question du choix du morceau, le temps de cuisson ; ainsi que le nom de quelques épices qui se marient très bien avec du mollet, ou de la paume de main. Il m'assura que la traçabilité était respectée, et que le choix du corps était fait judicieusement. Qu'il aurait toujours de la «viande fraîche» sous la main ; ce qui me parut logique, étant donné l'absence évidente de stocks permanents dans les frigos.
Je promis à mon Légiste-boucher, non sans une légère sensation de vertige, que j'allais y réfléchir, mais qu'en attendant mon équipe, je boirais bienun café en tapant le carton.
Je repasse souvent dans ce funérarium - pour des raisons professionnelles, bien entendu. Je ne connais toujours pas le goût de la chair humaine, et mon ancien proprio continu de fouler le sol de cette bonne vieille planète... Je ne suis pas rancunier.
par Lens O'Driscoll


Vous pourrez trouver le livre sur http://www.edkiro.fr/ma-vie-apres-votre-mort.html

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