mercredi 23 février 2011

Mes amours coupables avec Jane Austen III. Emma

Encore de la littérature anglaise romantique. Je vous entends soupirer... Je profite de ce moment pour lancer un appel désespéré : quelqu'un d'autre aime t-il Jane Austen de ce côté de la Manche? Je me sens très seule.
Cette fois-ci, nous abandonnons la petite bourgeoisie et ses préoccupations bassement pécuniaires pour nous percher en haut de la pyramide sociale de Highbury. Emma est trop gâtée; par sa famille tout d'abord, qui la voit parfaite et accomplie, par la nature ensuite, qui en a fait une jeune fille belle, riche et intelligente. Cependant, elle s'ennuie un peu tout en haut de son échelle sociale maintenant que sa gouvernante s'est mariée. Il lui faut une occupation. Celle-ci est vite trouvée : persuadée d'être en grande partie responsable de l'heureuse union de sa gouvernante, Emma décide d'employer ses talents de marieuse pour faire le bonheur de son entourage. Elle s'en occupe d'autant mieux qu'elle-même ne désire absolument pas se marier et qu'elle est plus pragmatique que passionnée. Ce qu'elle aime, c'est l'intrigue. Ensuite, il lui faut se trouver une compagne qui soit à la fois agréable, d'un rang acceptable (notion assez complexe, très prégnante dans le roman) et qui ne lui fasse pas trop d'ombre; parce qu'on a beau avoir bon cœur, les filles, ça garde un côté territorial. Celle-ci tombe du ciel en la présence d'Harriet, jolie et (un peu trop) simple, enfant naturelle, élevée dans une pension de bonne famille. Emma joue les démiurges : elle présentera la jeune fille à la meilleure société et en fera une demoiselle digne d'un gentleman. Dans sa chambre, la maîtresse de Hartfield fantasme la vie des autres, décortique des tas de scenarii et invente une multitude de stratagèmes. Mais voilà, n'est pas Dieu qui veut. Les plans d'Emma se finissent en déconvenues, malentendus et autres catastrophes mondaines. Et, quand un jeune homme bien né et un peu fanfaron apparaît à Highbury, Emma commence à se remettre en question.
Jane Austen explore une fois encore les transitions qui mènent de l'enfant à la femme, cette métamorphose semblant devoir aboutir de manière systématique au mariage. L'héroïne évolue en procédant par essai-erreur et en faisant face à ses sentiments enfouis. Une des grandes forces de Jane Austen est l'intemporalité de ses caractères. Il paraît que le fameux Bridget Jones s'inspire de « Orgueil et Préjugés ». De la même manière, Emma pourrait facilement se transposer en reine du lycée (sans le coté pimbêche). J'ai apprécié l'adaptation de 1996 avec Gweneth Paltrow dont le cou de cygne sied parfaitement à la noblesse anglaise. Je déplore par contre la coupe de cheveux « paille de carotte » ridicule qu'on a collé à Ewan Mc Gregor.
Si Jane Austen est très moderne pour certains aspects, d'autres sont très profondément inscrits dans leur époque. Ceux-ci apparaissent quand on compare la version cinématographique au roman (attention spoil). Un exemple frappant est quand Harriet finit par épouser un simple paysan. Dans le film, Emma se réjouit malgré tout, même si elle s'opposait au départ à ce mariage. La morale en filigramme pourrait être « peu importe la position sociale du mari tant que Harriet est heureuse ». Dans le livre, l'annonce des fiancailles d'Harriet accentue la prise de distance entre les deux jeunes filles et on pourrait y lire un « et chacun finit à sa place » très pré-victorien.

2 commentaires:

  1. Ben en fait je peux pas dire si j'aime ou pas, j'ai pas encore essayé... Faudra que tu me passes le premier si tu peux ? :-)

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